Concarneau - Ville Bleue

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Dossiers

Attractivité touristique, qualité esthétique du cadre de vie, le patrimoine architectural d’une commune constitue un atout manifeste que Concarneau entretient désormais avec l’aide de l’État grâce à une convention.

Arrêt sur image

Lavoirs - Petite(s) histoire(s) au fil de l’eau

Lavoir de Saint-Jacques à Beuzec Conq

Simples points d’eau ou véritables installations, à la fois lieux de propreté et de causeries, les lavoirs ont joué pendant des siècles un rôle social important. Abandonnés progressivement avec l’arrivée des machines à laver, ils restent le témoignage d’un passé pas si lointain, à redécouvrir au gré des chemins.

Difficile de dater l’apparition des premiers lavoirs à Concarneau comme ailleurs, leur utilisation est progressive au fil du temps. « On ne faisait qu’une ou deux grandes lessives par an, rappelle Michel Guéguen, historien de la ville bleue. On accumulait les vêtements sales dans un coin de la maison, puis on se réunissait aux beaux jours pour battre son linge en famille. » Le lavoir du Lin (Saint-Jacques) est déjà mentionné dès le XVIIIe siècle, mais c'est à partir du XIXe siècle que l’on commence à utiliser et améliorer les lavoirs. « Il s’agit d’abord d’un douet, un point d’eau claire aménagé d’une pierre plate pour s’agenouiller et laver son linge, le plus souvent à proximité de la ferme », précise l’historien. Les vrais lavoirs, organisés et équipés, apparaissent à la fin du XIXe siècle, comme celui de Kerblaise à Lanriec : « C’était le fin du fin : grand et spectaculaire, pouvant accueillir jusqu’à 30 personnes, doté de trois bassins. Le premier, avec la meilleure eau au plus près de la source, était réservé au beau linge, celui des bourgeois. Le deuxième bassin servait au linge courant et le troisième au linge très sale des ouvriers, des marins et des paysans. » Pas de mélanges : même au lavoir, chacun doit tenir son rang.

UN RÔLE SOCIAL
S’il est le reflet de l’organisation sociale, le lavoir est aussi un espace réservé qui joue un grand rôle dans la vie de la cité ou du quartier. On s’y retrouve certes pour laver son linge, mais aussi pour discuter, échanger les dernières actualités, les derniers potins. « Les laveuses passaient plusieurs heures au lavoir, et il n’y avait que des femmes. Elles avaient l’habitude de s’y retrouver, les hommes étaient interdits, alors qu’ils étaient souvent au coeur des discussions… » Les rencontres au lavoir faisaient office de presse locale. Pour ces travailleuses, le lavoir devait aussi représenter un lieu de parole décomplexée, un moment de détente au moins du verbe, car les mains étaient bien occupées à frotter, rincer dans l’eau froide, battre et essorer le linge. Il existait un lavoir en face du Coat-Pin. Ce fut d’abord un coin de grève aménagé où se retrouvaient les ouvrières des usines, « elles venaient laver à grande eau leurs tabliers et jupes de travail qui empestaient ». En 1919, l’adjoint au maire Duot demanda l’autorisation de construire un lavoir plus proche de la plage des Dames : « Un véritable lavoir en béton, rapidement très fréquenté et surnommé  «La Sociale » , en référence à la tendance politique de l’adjoint. Il avait, par son insistance, réussi à convaincre le préfet de la nécessité hygiénique de ce nouveau lavoir. » Il fallait compter également avec les disputes récurrentes pour accéder aux bassins. « Il existait des grades liés à l’ancienneté : les plus anciennes laveuses réservaient leur place en posant leur caisse à savon. Si une camarade était absente, on lui gardait sa place. Ce qui était l’objet de fréquentes bagarres… Car les lavandières étaient souvent fortes en gueule ! » Enfin, le développement des lavoirs s’accompagne de la création d’un nouveau métier : « Des laveuses se professionnalisent. Elles transportent avec des brouettes et lavent le linge des bourgeois de la ville. Elles poursuivront leur activité jusque dans les années 1950, date de l’apparition des premières machines à laver le linge. »

UN SERVICE PUBLIC TRÈS DEMANDÉ
Avec le développement de la population dans les villes et l’essor du travail à l’usine, le besoin de laver son linge devient crucial à Concarneau et Lanriec. Les petits lavoirs individuels ne peuvent plus suffire. Pour répondre à cette nouvelle nécessité, la municipalité réalise régulièrement des travaux d’agrandissement, d’aménagement, d’entretien, et même l’installation d’équipements spécifiques. On l’a vu avec La Sociale, il en va de même à Lanriec. « Il existait bien un lavoir, pouvant accueillir 6 à 7 personnes, le long de la route menant du bourg à Kerose. Il était alimenté par la fontaine de Lorette, où venaient puiser les habitants du bourg. L’eau était souvent remuée, trouble, et le chemin pour y accéder très encombré… » En 1904, la commune décide donc de construire un grand lavoir aménagé avec bassin de lavage et bassin de rinçage. Cinq ans plus tard, le lavoir de Kerblaise est achevé, c’est l’un des plus emblématiques de la ville. Il est très utilisé jusque dans les années 1960, quelques irréductibles y viennent encore aujourd’hui, persuadées que l’eau y est plus pure que nulle part ailleurs. En 1907, le lavoir du Roudouic accueille les laveuses du Passage, « en général des ouvrières de chez Cassegrain, Delory ou Vermillard qui lavent le dimanche ». En 1924, le conseil municipal accepte le devis pour la construction d’un lavoir en Ville-Close, au Petit-Château. En 1928, c’est le lavoir du Pontic qui est créé. La « grosse agglomération de Douric-ar-Zin » fera construire, quant à elle, son premier lavoir cimenté en 1929, fréquenté essentiellement par les femmes de marins. Encore en 1945, on envisage la construction de nouvelles installations à Pont-Roudou, Pont-Pélan, Maisonblanche, Bourg de Beuzec.

UN PETIT MONDE BIEN ÉQUIPÉ
Alors que les questions d’hygiène deviennent plus présentes dès le XIXe siècle (voir ci-contre), on voit aussi les techniques de lavage et les équipements évoluer. « Au départ, on faisait sa lessive dans un seau rempli d’eau et de cendres de bois. On frottait le linge avec la cendre, puis on le rinçait dans le lavoir. » Ce n’est que plus tard qu’apparaîtra le savon, du type savon de Marseille. La mairie apporte aussi des améliorations comme la mise en place de foyers pour faire chauffer l’eau et la lessive. En 1923, elle fait installer des séchoirs à linge sur le terrain communal de Saint-Jacques. Mais le plus souvent, les lavandières mettent encore leur linge à sécher dans la lande, « les draps solidement agrippés par les épines ». On renforce également les bassins avec des pierres, « comme à Kerblaise où le fond est pavé de grandes dalles de granit récupérées du mur de l’ancien cimetière ». Pour le confort des laveuses et la protection du linge et des chaudières, on érige des auvents de béton, on installe aussi des toilettes publiques, on construit un muret… En 1980, certaines laveuses ont d’ailleurs demandé la remise en place des foyers au lavoir Saint-Jacques pour faire bouillir leur lessive comme jadis ! « Les lavoirs constituent un patrimoine méconnu à préserver. Si ceux de Kerblaise et du Lin sont encore entretenus, les autres tombent dans l’oubli, faute d’être utilisés », regrette l’historien. Reste la fête annuelle de Kerblaise qui fait revivre, le temps d’un week-end, ce lieu magique.

La politique hygiéniste du XIXe siècle
Les évolutions scientifiques et médicales encouragent à surveiller et contrôler la qualité de l’eau. En 1848, les premiers Conseils départementaux d’hygiène préconisent l’installation d’égouts et l’alimentation en eau potable. En 1851, l’Assemblée législative vote un crédit de 30 % aux municipalités pour la construction de lavoirs publics. En 1884, l’hygiène publique est placée sous la responsabilité du ministre de l’Intérieur et les écoles enseignent la propreté corporelle. Mais au début du XXe siècle, on ne changeait encore son linge de corps qu'une fois par semaine, le dimanche pour la messe… !

 

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