Concarneau - Ville Bleue

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Attractivité touristique, qualité esthétique du cadre de vie, le patrimoine architectural d’une commune constitue un atout manifeste que Concarneau entretient désormais avec l’aide de l’État grâce à une convention.

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L'avenir, le thonier pionnier

un thonier partant en campagne de pêche, ses tangons déjà déployés.

La sardine est un poisson capricieux. Ses tendances à bouder le littoral breton seront pour beaucoup dans le développement de la pêche au thon et dans la reconversion du port du Concarneau. Car ce dernier, port sardinier pendant trois siècles, comptant près de 30 conserveries, se retrouve en crise à la fin du XIXe et au début du XXe siècles : la sardine se fait trop rare, les bancs disparaissent épisodiquement, les pêcheurs sont dans la misère. « Une grande partie de l’économie locale dépendait uniquement de la sardine, explique l’historien concarnois Michel Guéguen.

On a même vu des pêcheurs mendier dans la rue. » Pourtant, ils n'envisagent pas tout de suite de se tourner vers cette pêche hauturière qui a déjà séduit les « Grecs » (les Groisillons) de l’île de Groix et quelques pêcheurs de Douarnenez. Pourquoi cette attitude passive ? « On attend parce qu’on n'a toujours pêché ici que la sardine et autres poissons de la baie. Et puis les pêcheurs sont propriétaires de leurs bateaux, des chaloupes conçues pour la pêche côtière. Pour le thon, il faut aller au large, avec des bateaux pontés : cela demande un investissement ! » Entre 12 000 et 18 000 francs de l’époque pour un thonier à voile.

LE THON ENVAHIT LE PORT

Il y a bien eu La Concarnoise, une grande chaloupe pontée de 19 tonneaux lancée à l’assaut du thon en 1891 par six associés, dont le patron Jean Lemaître. La première campagne est un échec cuisant et conforte la frilosité des autres pêcheurs concarnois à entrer dans la course. La Concarnoise est revendue dès 1893, et il faudra attendre quinze ans pour qu’un nouveau patron tente sa chance. Pourtant, à cette époque, le port de Concarneau attire déjà les thoniers de régions Le thonier pionnier L’Avenir Lancé en 1906, le premier thonier concarnois l'Avenir marque le début de l’essor du germon sur les quais de la Ville Bleue. Thoniers, usiniers, chantiers navals : toute la ville sera transformée grâce à l’impulsion donnée par quelques marins ambitieux tel Gabriel Bérou, intrépide patron pêcheur de la Ville-close, lassé des aléas de la sardine.
Voisines qui viennent vendre leur pêche aux conserveries. « Les Concarnois connaissaient bien ces dundees à hauts mâts et aux couleurs vives qui prenaient toute la place dans l’avantport.
Il y eut d’ailleurs des frictions entre eux au début… » Dès 1901, Concarneau est le premier port de la côte Atlantique pour la vente du thon germon : il bénéficie, en outre, de sa situation géographique à proximité des lieux de pêche (golfe de Gascogne). En 1894, quinze tonnes de thon sont débarquées à Concarneau, on en comptera, sept ans plus tard, 1 300 tonnes ! Le thon vient combler la baisse d’activité due aux mauvaises saisons de sardines, et bientôt il prendra même la première place.

 

QUAND LE LAPIN CHASSAIT LE THON…

C’estDébarquement des thons par centaines sur les quais où les acheteuses des conserveries font leurs offres. Plus tard, une criée sera construite à l'initiative des industriels donc en juin 1906 que l’Avenir, premier dundee concarnois de 58 tonneaux de jauge brute, est mis à l’eau sous l’immatriculation 628 CC. Ce solide bateau est celui du patron pêcheur de la Ville-close Gabriel Bérou, dit Le Lapin. Marin chevronné – il pratique la pêche à la drague et à la sardine – Gabriel Bérou a 39 ans quand il se lance dans le thon. Son bateau, il l’a financé avec l’aide de trois armateurs associés : Louis Le Roy (charpentier naval), Louis Bolloré (maître cordier) et Théophile Le Rose (voilier). « Il s’est tourné vers des acteurs du monde maritime pour monter son projet. La légende dit qu’il aurait aussi détourné l’argent des livrets d’épargne de ses filles pour financer sa part…, s’amuse Michel Guéguen. C’est un pionnier à Concarneau, même s’il vient après les Douarnenistes.
Ces derniers, qui iront jusqu’en en Afrique pour pêcher le thon, disaient que ceux de Concarneau avaient peur du large… » Dixneuf mètres de pont, 13 mètres de quille, l’Avenir est conçu pour tenir la haute mer. Et cette fois, la première campagne de pêche est un succès : il rentre avec près de 1 000 pièces entraînant un bénéfice de 4 000 francs. L’élan est donné : L’Avenir, premier thonier au nom prédestiné, marque le début d’une reconversion très rapide du port et des pêcheurs de Concarneau. Dès 1912, le port arme une douzaine de ces bateaux ; en 1936 ils seront plus de 150. Bérou continuera la pêche au thon, mais aussi la sardine et la drague. « Il fait construire deux autres navires, l’En avant et l’Audacieux, sur lesquels il formera de bons marins qui deviendront eux-mêmes patrons. Il ira ensuite pêcher la langouste en Afrique pour laquelle il invente une petite drague. » Bérou l’intrépide tient d’ailleurs son surnom, selon certains, de sa fâcheuse habitude de bouleverser les traditions. Car on ne prononce jamais le mot « lapin » sur un bateau.

UN ACCÉLÉRATEUR D’INNOVATION

La pêche au thon renouvelle les techniques, les équipements et les habitudes des marins et de l’économie locale. Si les chantiers navals se mettent à construire des dundees, certains patrons veulent aller plus vite et rachètent des bateaux déjà en service dans d'autres ports. Et pour les pêcheurs, c’est un nouveau système de propriété partagée qui se développe grâce à la participation des commerçants, des agriculteurs et de la famille pour financer le bateau. Ensuite, c’est la vie au large, coupée du monde, que les hommes doivent apprendre : des sorties de deux à trois semaines, entre l’Espagne et l’Irlande, pour suivre le voyage du germon qui remonte vers le nord de juin à novembre. « C’est un vrai changement pour les pêcheurs de Concarneau qui n’avaient jamais fait de matelotage : ils sont allés se former auprès des équipages de Douarnenez. » Pour pêcher le thon, il faut déployer deux tangons, longues perches de sept à dix mètres, chacune équipée de cinq à sept lignes. Et pour sa conservation à bord, le thon est vidé puis suspendu sur le pont par la queue.
Les embruns, les tempêtes et les calmes plats qui gâtent sa chair causeront de nombreuses pertes. « Les thons avariés étaient jetés par centaines dans le port. D’ailleurs, sur le quai, les usiniers avaient des  «senteuses » qui évaluaient au nez la fraîcheur du poisson. » Dans les conserveries, on adapte les gestes des ouvrières pour préparer le germon et le mettre en boîte.Les usiniers font même construire une criée réservée au thon sur le port. Dans les chantiers, on fait évoluer la forme des bateaux pour améliorer la sécurité : « car ils avaient un arrière fin et un avant haut pour aller plus vite, et cette forme avait été en partie responsable de leur perte lors de la tempête de 1930 qui fit beaucoup de victimes ». Louis Krebs développe des chambres froides à bord des voiliers puis des chalutiers, dès 1933. On équipe aussi, progressivement, les bateaux de moteurs. Des innovations successives qui conduiront, à terme, à la pêche du thon albacore sur les côtes d’Afrique.

 

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